
La figure du héros et son évolution
par Odile Grisver
Le 8 décembre 2015, l’Élysée fit savoir que le président François Hollande envisageait de décerner la Légion d’honneur, à titre posthume, aux 130 victimes des attentats du 13 novembre au Bataclan et dans les rues alentour. Le grand chancelier exprima son désaccord.
En effet, la Légion d’honneur n’est ni une prime au drame, ni une prime au deuil : elle est censée récompenser le mérite. Une chose est de proclamer l’hommage du pays aux victimes, une autre de leur attribuer une récompense réservée à des actes héroïques.
Autre exemple de glissement sémantique : La plaque commémorative installée dans un jardin du IIIe arrondissement de Paris nommé en l’honneur d’Arnaud Beltrame, le gendarme qui a donné sa vie en échange de celle d’otages à Trèbes, proposait une bien étrange inscription le présentant comme « victime de son héroïsme ».

Que s’est-il passé ? Comment expliquer cette substitution de la figure du héros à celle de la victime ?
1 Le Héros, une référence séculaire
En France, un nombre considérable de monuments aux morts de la Première Guerre mondiale porte l’inscription : « À nos héros morts pour la France. » Elle exprime le sentiment commun : patriotisme ardent, sens du devoir et du sacrifice.
Les héros éponymes des rues, des places, des stations de métro, des établissements scolaires, témoignent des choix et des combats politiques et moraux qui s’imposent dans le champ de l’histoire des représentations.
Mais qu’est ce qu’un héros ? Le mot grec hêrôs signifie « chef de guerre » chez Homère, « demi-dieu » chez Hésiode. Il est difficile de le définir facilement par la proximité voire la superposition de la figure héroïque avec d’autres modèles d’excellence que sont les dieux, les martyrs, les célébrités et, surtout, les grands hommes.
Des catégorisations thématiques ont émergé pour identifier des héros religieux, des héros nationaux, des héros militaires, et même des héros dans le domaine du sport et des médias lorsque des qualités comme le courage ou l’abnégation sont affichées de manière étonnante.
Fictif ou réel, le héros est censé avoir accompli un exploit extraordinaire au service d’une communauté. Son engagement physique l’a conduit au dépassement de lui-même, au péril parfois de sa vie. « Il n’y a pas de héros sans auditoire », écrivait André Malraux dans L’Espoir. Victorieux ou vaincu, le héros est à l’origine d’un culte porté par un récit : épitaphe, épopée, chant, leçon d’histoire, article de journal, photographie, film.
Si, pour les psychologues, il est avant tout un modèle pour le développement psychique de l’enfant, il est aux yeux des philosophes une incarnation morale du bien, quand les anthropologues voient en lui un ancêtre légendaire, une figure totémique. Le héros est avant tout un révélateur des sociétés, qui lui confèrent son statut d’exception. En Grèce ancienne, les individus qui furent l’objet d’un culte héroïque étaient des fondateurs de cité, des rois, des ancêtres plus ou moins mythiques, certains n’ayant pas nécessairement accompli d’action extraordinaire, mais tous témoins d’une époque sombre et révolue, conservée dans la mémoire des hommes.
Les personnages de Roland ou d’Arthur illustrent une extrême porosité entre réalité et fiction. Leur réalité historique est faiblement attestée, mais leur existence légendaire est monumentale. Chrestien de Troyes et les auteurs du cycle arthurien proposent un peu plus tard le modèle littéraire du chevalier courtois, qui à la fois imite et doit inspirer le comportement moral de la chevalerie réelle à usage des sociétés de cour.
Le terme de héros n’apparaît dans la langue française qu’à partir de 1370. Le preux en est un équivalent. Le héros un demi-dieu puis un individu qui se distingue par ses exploits ou un courage extraordinaire, particulièrement dans le domaine des armes. L’un des plus beaux exemples est la figure de Jeanne D’Arc qui conjugue, en un mix très typique, la figure du saint avec celle d’une combattante laïque, valeurs spirituelles associées à des valeurs morales comme le courage au combat et le dépassement de soi.
2-Est-ce que la figure du héros a été entamée par le judéo-christianisme au profit de la figure de la victime ?
Il faut tout de suite tordre le cou à une idée reçue qui voudrait que la figure de la victime ait été rendue attirante aux dépends de celle du héros, par l’avènement de la culture judéo-chrétienne.
En effet, le judaïsme de la Bible présente plutôt des héros que des victimes. Dans le cas d’Isaac, c’est Abraham la figure centrale, c’est lui que Dieu teste et non son fils.
S’agissant de la culture chrétienne, jamais le Christ n’a été considéré comme une victime. On parle à son propos de martyr. (tout comme on parlera des martyrs chrétiens). Étymologiquement le martyr c’est le témoin. Le martyr est le pendant du héros, c’est celui qui, à première vue, accepte son sort avec courage et grandeur d’âme, le courage du héros justement, car il est sacrifié (se sacrifie) pour une cause, pour un idéal qui le dépasse.
La victime, elle, n’est pas le contraire du héros. Son antonyme, c’est le bourreau, c’est d’autant plus révoltant qu’il n’est pas toujours celui qui intervient directement. On distingue les victimes innocentes des autres, qui ont commis des méfaits.
3- De quand remonte le glissement de la figure du héros à celle de la victime ?
Si l’on remonte à la 1ere guerre mondiale, considérant qu’au travers les siècles précédents, c’est l’image du héros qui est prépondérante et non celle de la victime. De fait, l’horrible boucherie de 14-18, a vu naitre les héros des tranchées qui se battaient pour la France.
Pendant entre deux guerres, les pacifistes entretiennent l’idée : « Tout ça pour ça ? », qui conduit à douter de l’intérêt du sacrifice des poilus. Puis, au cours de la seconde guerre mondiale, on voit de nouveau surgir les héros de la Résistance, honorés notamment pour avoir, au péril de leur vie, combattu pour l’honneur de la France.
Mais alors que faire des martyrs des camps de concentration ? Parmi eux se trouvent les juifs de l’holocauste. On commence à considérer, de manière obscène, que les juifs s auraient été passifs, se seraient laissés martyriser, et qu’en sorte, ils auraient pu être victimes d’eux-mêmes. Elie Wiesel, futur Prix Nobel de la Paix, dénonce cette volonté d’expliquer le comportement des victimes de la Shoah et il dit que les juifs sont morts pour rien, « ni pour Dieu, ni pour la liberté » ; Dans ce cas, il n’y a aucune cause à défendre, c’est un mystère. Dieu est absent d’Auschwitz.
La transcendance religieuse (celle du Christ) ou sécularisée (celle des patriotes) ne peut pas être invoquée. Il y a bien du sacré dans le sacrifice des juifs mais un sacré sans Dieu ni église. La mémoire va sacraliser la victime autant que le héros vs martyr sans pour autant être religieuse.
4- Qu’est ce que le sacré ?
François Azouvi , dans son livre Du Héros à la victime, la métamorphose contemporaine du sacré, reprend la définition de Rudolf Otto, philosophe allemand du début du XX° siècle. Le sacré n’est plus le contraire de profane car le mot contient un aspect moral contenant le sens de « bon », bien. Si l’on revient au sens du sacré religieux, que Rudolf Otto appelle le « numineux », alors le terme contient de nouveau quelque chose de mystérieux et d’indéfinissable, fait d’effroi, de fascinant et d’imposant. Les victimes de la Shoah deviennent sacrées parce qu’elles contiennent une altérité radicale qui suscite pour tout un chacun un sentiment de mystère et de terreur. François Azouvi décrit ce processus mémoriel où la victime de la Shoah s’avère une référence positive, parce que sacrée, sans Dieu.
Claude Lanzmann avec son titre « Shoah » (catastrophe, anéantissement, en hébreu)contribue à donner une dimension métaphysique à ce génocide. « Génocide » le mot est d’ailleurs inventé par l’avocat polonais Raphaël Lemkin pour désigner l’extermination des Juifs d’Europe, reconnu dans le droit international en 1948, Les victimes de la Shoah deviennent « sacrées », non pas qu’elles soient religieuses mais elles remplissent les conditions du sacré métaphysique : effroi, fascination, imposant.
L’analyse de François Azouvi explique que l’époque d’après-guerre est favorable aux mutations du sacré et, plus précisément, il y a un retrait du religieux dans sa forme institutionnelle. La victime joue en quelque sorte un rôle absolu de substitution. Elle est sacralisée. Elle incarne le Bien et le Vrai. Et pense-t-il, c’est parce qu’il y a une désaffection du religieux que la victime devient sacrée, un sacré non religieux, une sorte de sacré laïc finalement car dans le religieux traditionnel il n’y a pas de place pour la victime. Il y a des héros et des martyrs mais pas de victimes.
« J’ai été frappé par la concomitance absolument parfaite entre le passage au modèle victimaire et la grande fracture faisant que l’Occident perd son ancrage dans le religieux. Je me suis dit que ce n’est quand même pas possible que les deux choses ne soient pas en rapport. »
5- Or le fait qu’il n’y ait plus de héros n’est pas sans conséquence :
« Une société où il n’y a plus de héros est une société difficile, dit François Azouvi. La victime qui le remplace apparaît quand on ne sait plus quoi faire de la souffrance. Aucune société ne peut se passer de donner un sens au malheur. Dans la religion, la souffrance est une condition vers le salut, un rachat. Quand le système s’effondre, les victimes sont sacrées. On leur donne du religieux sans religion. ».
De ce fait, de plus en plus de groupes, de personnes vont peu à peu se déclarer victimes. Car il est inévitable que la prépondérance de la victime engage un processus de concurrence.
François Azouvi parle alors du concept bergsonien de la « loi de double frénésie » La « loi de double frénésie » est une force composée de deux puissances divergentes et complémentaires qui est nécessaire à l’évolution de la vie. C’est un équilibre entre deux forces contradictoires, on pourrait dire une dialectique, qui est fécond, source d’avancées, de dynamisme. Or quand la balance penche trop fort d’un seul côté en l’occurrence du côté de l’omnipotence de la victime, ce sera au détriment de son antagoniste héroïque. Le culte victimaire n’a plus le contrepoids nécessaire pour l’équilibre de la loi. « La loi de double frénésie fait que la tendance devenue prépondérante va jusqu’au bout, comme s’il y avait un bout. Mais il n’y en a pas », souligne François Azouvi.
Les victimes sacrées de la Shoah vont petit à petit être concurrencées puis dépassées par les autres victimes. Chacun se réclame victime parce qu’il y a des bénéfices à tirer de la situation de victime.
Victime vient en effet de vincere, victum, vaincre. La victime, c’est le vaincu offert aux dieux en sacrifice. L’autre terme synonyme, en français, lui aussi hérité du latin, c’est « hostie » que l’on retrouve dans hostile, ennemi. Celui qu’on sacrifie en rétribution.
La diversité de définitions de la victime que donne Le Petit Robert montre la difficulté qu’il existe à en cerner les caractéristiques : 1) Créature vivante offerte en sacrifice aux dieux ; 2) Personne qui subit la haine, les tourments, les injustices de quelqu’un ; 3) Personne tuée ou blessée ; 4) personne qui meurt d’un cataclysme, d’une épidémie, d’un accident, ou encore d’une émeute, d’une guerre.
Chacun mesure l’écart entre le sens ancien du mot victime et son sens actuel – « une personne à laquelle arrive un malheur, dont il convient de s’émouvoir ; une personne qu’il faut plaindre, secourir avec solidarité ; un malheur scandaleux, dont il existe forcément un responsable et un coupable, qu’il faut rechercher et punir pour que cela ne se reproduise plus, et pour aider la victime à se reconstruire, si elle a survécu » ?.
Dans un monde sans dieu, le sacrifice du héros n’a plus sa place car, la gloire va à la victime, le mal a toujours le dernier mot. Nous voilà pourvus d’une nouvelle idéologie fondée sur le culte de la victime, puisqu’il n’y a plus de saints ni de héros. Le commandant Beltrame, prototype du héros, devient alors une "victime de son héroïsme", selon la formule extravagante figurant sur la plaque du jardin qui porte son nom à Trèbes.
Les Vietnamiens, les Indiens d’Amérique, les Arméniens, les Palestiniens, les Noirs, les femmes, les enfants sont des victimes. Les lois mémorielles issues de cette concurrence victimaire a débouché sur une profonde confusion.
Il existe des victimes par nature et des coupables par nature. Les victimes ont tous les droits. Les coupables n’ont aucun droit. Les victimes peuvent légitimer leur violence, qui n’est que la conséquence de ce qu’ils ont subi. Les victimes réclament également de la reconnaissance, mais à qui la demandent-ils ? A ceux qu’ils ont élus comme bourreaux et qui sont eux-aussi des victimes ?
6- L’avènement de la civilisation victimaire
Dans la civilisation victimaire, il ne s’agit plus d’être libre. La vérité est devenue superflue. On s’en passe fort bien. La victime est une figure perverse de l’innocence. Dans un monde victimaire, le mal ne peut déboucher sur aucun bien. L’amour ne pèse plus. L’individu est s pris au piège de son histoire, aliéné à celle-ci comme un bagnard à ses chaînes. S’il tente de ne plus se considérer comme une victime, il perd sa raison d’être. Le discours social enferme la victime dans la violence de l’expérience subie, oubliant qu’il s’agit d’une expérience vécue. S’il y a de la violence, il y a des victimes, donc s’il y a des victimes c’est qu’il y a eu de la violence.
Si la victime parvient à réduire sa souffrance alors cela revient à à minimiser l’acte de l’agresseur. En ce sens, dans nos représentations culturelles, nous pouvons légitimement penser que la victime n’a en fait aucune reconnaissance véritable et ne sert qu’à rendre plus horrible l’acte de l’agresseur.
On voit bien qu’une société remplie de victimes est une société qui tourne en rond et ne peut plus avancer nulle part.
Nous devons changer notre regard sur la victime au risque sinon d’alimenter des générations futures de victimes pour lesquelles le droit viendrait jouer le rôle de héros-tiers, qui se nourrirait de la souffrance des autres pour soutenir les instances narcissiques. Un État procédurier pour permettre à la victime de faire entendre sa voix n’a jamais été la garantie d’une démocratie véritable.
Je note en conclusion que nulle part, dans nos rituels, dans notre pratique de FM, nous n’invoquons une figure de victime à laquelle il faudrait éternellement porter secours. C’est que la FM est une entreprise de socialisation où les individus sont censés briser leurs chaines et vivre libres, dans une dynamique constructive et pas dans un contexte de plainte où les uns seraient amener à soigner les autres. Le care ne fonde pas du tout une société de citoyens qui aspirent à la liberté, à l’égalité et à la fraternité.
Odile Grisver
La figura del héroe y su evolución
por Odile Grisver
1. El Héroe: una referencia secular
En Francia, un número considerable de monumentos a los caídos de la Primera Guerra Mundial lleva la inscripción: "A nuestros héroes muertos por Francia". Esta expresión refleja el sentimiento común: ardor patriótico, sentido del deber y del sacrificio.
Los héroes cuyos nombres figuran en calles, plazas, estaciones de metro o instituciones educativas son el testimonio de las decisiones y luchas políticas y morales inscritas en la historia de las representaciones colectivas.
Pero, ¿qué es un héroe?
El término griego hêrôs significa “jefe de guerra” en Homero y “semidiós” en Hesíodo. Definirlo resulta complejo debido a la proximidad e incluso la superposición de la figura heroica con otros modelos de excelencia, como los dioses, los mártires, las celebridades y, sobre todo, los grandes hombres.
Clasificación de los héroes
Han surgido categorías temáticas para identificar distintos tipos de héroes:
• Héroes religiosos
• Héroes nacionales
• Héroes militares
• Héroes deportivos y mediáticos, cuando exhiben cualidades de valor o abnegación sorprendentes.
Ya sea ficticio o real, el héroe es alguien que ha realizado una hazaña extraordinaria al servicio de una comunidad. Su compromiso físico le ha llevado a superarse a sí mismo, arriesgando, a menudo, su propia vida.
"No hay héroe sin audiencia", escribió André Malraux en L'Espoir.
El héroe, victorioso o derrotado, es el centro de un culto sostenido por un relato: epitafios, epopeyas, canciones, lecciones de historia, artículos periodísticos, fotografías, películas...
El héroe desde diferentes perspectivas:
• Psicología: Es un modelo para el desarrollo psíquico del niño.
• Filosofía: Una encarnación moral del bien.
• Antropología: Un ancestro legendario o figura totémica.
En la antigua Grecia, los héroes eran fundadores de ciudades, reyes o ancestros mitológicos. Algunos no habían realizado hazañas extraordinarias, pero eran testigos de épocas sombrías preservadas en la memoria colectiva.
Personajes como Roldán o Arturo ilustran la porosidad entre la realidad y la ficción. Su existencia histórica es dudosa, pero su relevancia legendaria es monumental.
Los autores del ciclo artúrico, como Chrétien de Troyes, crearon el modelo literario del caballero cortés, destinado a inspirar el comportamiento de la caballería real en las cortes.
El término héroe apareció en el idioma francés en 1370. Su equivalente era el término preux (valiente). En este contexto, un héroe es un semidiós o un individuo que se distingue por sus hazañas o un coraje extraordinario, especialmente en el ámbito militar.
Un ejemplo paradigmático es Juana de Arco, cuya figura combina características de santa y guerrera, con valores espirituales y morales como el valor en el combate y la superación de uno mismo.
2. ¿Desplazó el judeocristianismo la figura del héroe en favor de la víctima?
Es necesario desmontar la idea preconcebida de que la cultura judeocristiana favoreció la figura de la víctima a expensas del héroe.
• Judaísmo bíblico: Presenta más héroes que víctimas. En el caso de Isaac, el protagonista es Abraham, quien es puesto a prueba por Dios, no su hijo.
• Cristianismo: Cristo no es considerado una víctima, sino un mártir (al igual que los mártires cristianos).
El mártir: el equivalente del héroe
Etimológicamente, mártir significa testigo. El mártir es quien acepta su destino con valentía y grandeza de alma, sacrificándose por una causa superior.
Por otro lado, la víctima no es el opuesto del héroe, sino del verdugo. Sin embargo, se distingue entre víctimas inocentes y culpables de algún mal.
3. ¿Cuándo ocurrió el desplazamiento de la figura del héroe hacia la de la víctima?
Hasta la Primera Guerra Mundial, el héroe prevalecía sobre la figura de la víctima. La brutal carnicería de 1914-1918 dio lugar a los héroes de las trincheras, quienes luchaban por Francia.
Durante el periodo de entreguerras, el discurso pacifista popularizó la idea de "¿Tanto sufrimiento, para qué?", lo que llevó a cuestionar el sacrificio de los soldados.
En la Segunda Guerra Mundial, los héroes de la Resistencia resurgieron como símbolos de honor, al arriesgar sus vidas por Francia.
Sin embargo, ¿qué sucede con los mártires de los campos de concentración?
Entre ellos, los judíos del Holocausto. Algunos llegaron a ser vistos de manera obscena como víctimas pasivas. Elie Wiesel, Premio Nobel de la Paz, denunció esta narrativa y afirmó que los judíos murieron sin causa: “Ni por Dios ni por la libertad”.
En Auschwitz, Dios estuvo ausente. No había un ideal trascendente ni sagrado en el sentido religioso, pero la memoria de las víctimas se sacralizó.
5. La competencia de las víctimas
Azouvi señala que la preponderancia de la víctima ha generado un proceso de competencia entre colectivos que reclaman reconocimiento: vietnamitas, indígenas, armenios, palestinos, afrodescendientes, mujeres, niños...
En esta dinámica:
• Las víctimas "por naturaleza" se convierten en una referencia moral absoluta.
• Los culpables son estigmatizados y carecen de derechos.
La figura de la víctima se legitima y puede justificar incluso actos de violencia como respuesta al sufrimiento.
6. La civilización de la víctima
En la civilización victimal, ya no importa la libertad ni la verdad. La víctima encarna una versión perversa de la inocencia.
El individuo queda atrapado en su historia personal de sufrimiento. Si intenta dejar de ser una víctima, pierde su identidad.
Un Estado excesivamente procedimental, que convierte la voz de la víctima en el eje central, no garantiza una verdadera democracia.
7. Reflexión final: la Masonería y la figura de la víctima
En los rituales y prácticas masónicas, no se invoca la figura de la víctima como objeto de auxilio eterno. La francmasonería busca la socialización y el proceso de liberación individual, donde los miembros rompen sus cadenas y viven en libertad.
La masonería liberal y adogmática fomenta una dinámica constructiva, no un espacio de lamento donde unos sanan las heridas de otros.
El care o la atención paliativa no constituye la base de una sociedad de ciudadanos libres, iguales y fraternos.
En definitiva, la masonería no busca perpetuar el sufrimiento, sino que promueve el fortalecimiento personal y colectivo mediante la fraternidad y la superación.
Odile Grisver

The Figure of the Hero and Its Evolution
by Odile Grisver
1. Introduction
On December 8, 2015, the Élysée Palace announced that President François Hollande was considering awarding the Légion d’Honneur posthumously to the 130 victims of the November 13 attacks at the Bataclan and surrounding streets. The Grand Chancellor expressed his disagreement.
Indeed, the Légion d’Honneur is neither compensation for tragedy nor grief—it is meant to reward merit. Paying tribute to the victims is one thing; granting them an honor reserved for heroic acts is quite another.
Another example of semantic drift can be seen in the commemorative plaque placed in a garden in the 3rd arrondissement of Paris, named in honor of Arnaud Beltrame, the gendarme who gave his life in exchange for that of hostages in Trèbes. The plaque contained a rather peculiar inscription, describing him as a “victim of his heroism.”
What happened? How can this substitution of the hero’s figure by that of the victim be explained?
2. The Hero: A Timeless Reference
In France, a significant number of monuments to the dead of the First World War bear the inscription: “To our heroes who died for France.” This epitaph expresses the common sentiment: ardent patriotism, a sense of duty, and sacrifice.
The heroes whose names appear on streets, squares, metro stations, and schools reflect the political and moral choices and struggles that shape historical representations.
But what is a hero?
The Greek word hêrôs means “warlord” in Homer and “demigod” in Hesiod. Defining the hero is challenging because the heroic figure often overlaps with other models of excellence, such as gods, martyrs, celebrities, and, most notably, great men.
Classifications of Heroes:
There are thematic categories that identify different types of heroes:
• Religious heroes
• National heroes
• Military heroes
• Heroes in sports and media, when traits such as courage or self-sacrifice are exceptionally displayed.
Whether fictional or real, the hero is expected to have accomplished an extraordinary feat in service to a community. Their physical commitment leads them to transcend themselves, often at the risk of their own life.
"There are no heroes without an audience," wrote André Malraux in L’Espoir.
Victorious or defeated, the hero becomes the subject of a narrative cult: epitaphs, epics, songs, history lessons, newspaper articles, photographs, and films.
Perspectives on the Hero:
• Psychology: A model for the child’s psychic development.
• Philosophy: A moral embodiment of good.
• Anthropology: A legendary ancestor or totemic figure.
In ancient Greece, heroic figures were founders of cities, kings, or mythical ancestors. Some did not perform extraordinary feats but were witnesses to a dark and bygone era preserved in the collective memory.
Characters like Roland or King Arthur illustrate the porous boundary between reality and fiction. Their historical reality is barely attested, but their legendary presence is monumental.
Chrétien de Troyes and the authors of the Arthurian cycle later established the literary model of the chivalrous knight—one that not only emulated but also sought to inspire the moral conduct of real knights in courtly society.
The term hero appeared in the French language around 1370. Its equivalent at the time was preux (valiant). The hero was seen as a demigod or an individual distinguished by extraordinary feats or courage, particularly in warfare.
One of the most emblematic figures is Joan of Arc, who embodies a unique blend of saintly virtues and secular warrior traits—spiritual values associated with moral values like bravery in combat and self-transcendence.
3. Did Judeo-Christianity Replace the Hero with the Victim?
It is necessary to dispel the misconception that the Judeo-Christian culture favored the victim over the hero.
• Biblical Judaism: Presents more heroes than victims. In the case of Isaac, it is Abraham who is the central figure—he is the one God tests, not his son.
• Christianity: Christ is never regarded as a victim but rather as a martyr (as are Christian martyrs in general).
The Martyr: The Counterpart to the Hero
Etymologically, martyr means witness. The martyr parallels the hero—it is someone who accepts their fate with courage and dignity, sacrificing themselves for a cause or ideal greater than themselves.
The victim, however, is not the opposite of the hero but of the executioner. And the distinction between innocent victims and those who have committed wrongdoings is significant.
4. When Did the Hero Become a Victim?
In the First World War, the hero was still the dominant figure. The terrible carnage of 1914-1918 gave rise to the heroes of the trenches, who fought for France.
In the interwar period, pacifists nurtured the sentiment: “Was it all for nothing?”—a question that cast doubt on the value of the soldiers' sacrifice.
During the Second World War, the heroes of the Resistance once again emerged, honored for risking their lives in defense of France’s honor.
But what about the martyrs of the concentration camps?
Among them were the Jewish victims of the Holocaust. Some began to suggest, in an obscene twist, that the Jewish people were passive, that they allowed themselves to be martyred, as though they bore some responsibility for their suffering. Elie Wiesel, Nobel Peace Prize winner, condemned this notion, asserting that the Jews "died for nothing—neither for God nor for freedom."
In this context, there was no cause to defend—it was a mystery. In Auschwitz, God was absent.
The religious transcendence seen in Christ or in patriotic sacrifice could no longer be invoked. There was indeed something sacred in the Jewish sacrifice, but it was a sacredness without God or a church. Memory would go on to sanctify the victim, equating them with the hero or martyr, yet without religious connotations.
5. What Is the Sacred?
In From Hero to Victim: The Contemporary Transformation of the Sacred, François Azouvi draws from Rudolf Otto's early 20th-century work to define the sacred.
• The sacred is no longer opposed to the profane; instead, it embodies a moral dimension, synonymous with goodness.
• The numinous—as Otto calls it—encompasses something mysterious, indefinable, awe-inspiring, and imposing.
The victims of the Holocaust are considered sacred because their radical otherness evokes a profound sense of mystery and fear.
The documentary Shoah by Claude Lanzmann and the term genocide—coined by Polish lawyer Raphael Lemkin—infused the Holocaust with a metaphysical dimension.
6. The Consequences of a World Without Heroes
Azouvi argues that the absence of heroes leaves a significant void. When societies can no longer make sense of suffering, they deify victims.
• In religion, suffering leads to redemption.
• When the religious framework collapses, victims are sacralized.
As a result, an increasing number of individuals and groups begin to identify as victims, as this status often brings social and moral advantages.
Azouvi references the Bergsonian “law of double frenzy”—a concept describing two opposing yet complementary forces necessary for progress. When the balance tips entirely toward victimhood, the heroic antagonist disappears, upsetting the balance.
7. The Civilization of Victimhood
In a victim-based civilization, freedom becomes irrelevant, and truth is dismissed.
Victims are trapped in their history, alienated from it as though chained. If they attempt to free themselves from their victimhood, they lose their identity.
The legal system, which amplifies the victim’s voice, can become an echo chamber rather than a guarantor of genuine democracy.
8. Conclusion: The Masonic Perspective
In Freemasonry, the figure of the victim is never invoked as someone eternally in need of rescue. Freemasonry is a socializing endeavor where individuals are meant to break their chains and live freely.
Freemasonry fosters constructive dynamics rather than creating an atmosphere of complaint where some members are expected to heal others.
The concept of care does not form the foundation of a society of citizens striving for liberty, equality, and fraternity.
Ultimately, Freemasonry does not perpetuate suffering; rather, it seeks the personal and collective empowerment of its members through brotherhood and self-improvement.
Odile Grisver
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