NDLR : Gérard B. était un artiste peintre et aussi un frère d’une loge du GODF . Il m’avait confié sa planche il y a quelques années. Il avait incorporé le symbolisme maçonnique dans une partie de ses œuvres ! Malheureusement il est passé à l’orient éternel.
L’art peut être envisagé comme le lieu d’une tension qui présente de nombreuses analogies et imbrications avec le symbolisme.
L’art pictural, vu comme lieu privilégié de l’imaginaire, pose le problème de cette « folle du logis » comme l’a nommé Blaise Pascal, tant décriée par les rationalistes de tous poils, décriée par Platon lui-même qui n’y voit qu’un processus d’imitation, limité en tant que représentation maladroite, partielle et incomplète, de la réalité du monde « sensible ».
Platon se méfie de l’entreprise artistique, de sa prétention, à jouer inconsidérément avec la puissance du symbole.
Il lui reproche de stagner au niveau le plus bas de la perception de l’être, et par conséquent d’être une tromperie d’autant plus dangereuse qu’elle est ambitieuse. Illusion, barrière supplémentaire à la perception des idées, le monde des images serait une détournement de la forme idéale au profit de la forme sensible.
Si j’aborde d’entrée ce point de vue platonicien c’est pour indiquer où nous mènera une réflexion qui s’efforcera de faire apparaître l’originalité profonde du symbole dans l’Art.
A propos du rapport entre l’image et le signifié :
Sans doute à cause de la défiance pour ce qui touche à l’imaginaire en Occident, le vocabulaire qui lui correspond est peu clair, voire même dévalué : on parle ainsi indifféremment d’ "image", de "signe", de "symbole" ou d’ "allégorie".
Le signe : La première catégorie de signes concerne ceux qui font gagner du temps, qui renvoient à un sensible incontestable ; ils sont par conséquent arbitraires, variables, peuvent se dire par un chiffre, une lettre, un dessin ; ainsi en est-il pour signaler instantanément qu’une rue est en sens unique ou que Mr Martin habite au numéro 3 ;
L’allégorie : elle concerne surtout les concepts abstraits ; ainsi la Justice est représentée par une allégorie telle que chacun de ses éléments correspond à une partie du signifié : par exemple un personnage porteur d’une balance. L’allégorie est souvent plaquée sur une pensée préalable qui est la seule condition de son sens.
Le symbole : On pourrait définir le symbole comme l’inverse de l’allégorie ; comme l’écrit Paul Godet dans « Sujet symbole dans les arts plastiques », « Si l’allégorie part de l’idée abstraite pour aboutir à une figure, le symbole est d’abord figure et comme telle source, entre autres choses, d’idées ! » De par sa nature, le symbole est par conséquent une apparition de l’indicible, une épiphanie d’une part de la Réalité qui échappe aux organes de la perception ou à l’entendement rationnel. Gilbert Durand, Philosophe et anthropologue de l’imaginaire, précise « Ne pouvant figurer l’infigurable transcendance, l’image symbolique est transfiguration d’une représentation concrète par un sens à jamais abstrait. » Selon Paul Ricoeur, le symbole prend ainsi une triple dimension, cosmique d’abord puisqu’il est un élément du monde qui nous entoure, onirique ensuite dans la mesure où il s’enracine dans les rêves, les souvenirs et la grande mémoire de l’espèce, poétique enfin puisqu’il relève de la parole dans ce qu’elle a de plus "augmentique".
Autant l’image-idole se referme sur elle-même, autant l’image-symbole instaure un sens et reconduit à un au-delà du sensible.
Dans son autobiographie, Goethe explique que « Dans la Nature vivante et sans vie, animée et inanimée, je crus reconnaître quelque chose qui ne se manifestait que par des contradictions, et, par suite, ne pouvait être compris dans aucun concept, moins encore dans un mot. Cela ressemblait au hasard, car nulle conséquence ne s’y manifestait ; cela paraissait voisin de la Providence ; cela laissait entrevoir un rapport. »
La connaissance symbolique n’est jamais définitive, jamais close, jamais explicite parce que ne se référant pas à un discours préalablement établi. Elle est porte ouverte, réminiscence, reconduction du sensible aux formes. Acquisition d’un savoir indicible, pressentiment, le symbole définit la liberté de l’être humain dans sa dimension créatrice.
Si le symbole est cette tête chercheuse, s’il est investi de cette capacité épiphanique, on peut l’envisager comme un système de virtualités prenant leur source dans les structures archétypiques de l’inconscient et amenant progressivement la pensée consciente à s’orienter et à diriger son regard vers l’au-delà du monde sensible, vers l’Orient éternel.
Le symbole est donc trans-réflexif, médiateur entre le microcosme et le macrocosme, réconciliation avec l’univers.
Selon le mot de Bachelard, les symboles sont les « hormones » de l’énergie spirituelle.
La vie pulsionnelle ne s’épuise pas au contact du monde sensible ; un surplus semble chercher à s’investir. Le programme, inscrit dans les gênes, reconnaît dans ce qu’il est convenu d’appeler « la réalité » son propre visage, sans toutefois se satisfaire complètement de ce reflet qui laisse imaginer d’autres profondeurs. Ce « reste » qui cherche à se vivre n’est plus de l’ordre de la mesure, résiste à la description, grandit hors des structures du moi ressenties maintenant comme limites, et trouve dans le symbole son moyen d’exprimer ce qui ne peut se dire autrement.
A propos du Delta lumineux
En son centre l’œil balaie l’espace mais sa vie est de l’autre côté de ce mur, plus encore vers l’Orient. C’est un regard qui nous contemple et nous murmure :
« Fermez les yeux ; comprenez que ce mur sur le quel je m’allume, c’est le mur de la réalité extérieure, la muraille de votre aliénation ; je m’ouvre, bien sûr, mais en vous. Je suis l’œil intérieur ; Cet espace que je fixe, au-delà de l’espace de vos gestes, c’est celui de votre propre nuit, car je suis celui qui voit dans la nuit. Je suis l’outil de la transcendance et aussi j’écoute ! Je suis l’attention et figure la limite de la prise de possession du monde comme la limite du discours raisonnable. Je suis le regard de « l’Autre », cet « autre moi » qui vous renvoie aux bornes de votre propre « Moi ». Je suis ce « Toi » qui vous fais « Moi », cet ailleurs qui vous fonde et vous révèle. Je suis la représentation finie de l’infini et là où je vois, vous distinguerez le chemin qui mène au « J » perdu, « éternel présent de l’humanité ! »
« Je suis le témoin de la Présence ; celui qui préside à toute nouvelle initiation, le grand Activateur de la grande Mémoire. C’est moi qui fait « voir » le lit du fleuve comme mémoire des multiples passages de ses eaux. »
« Je vois l’âme, ses mouvances, ses contradictions et l’amène progressivement à réfléchir le monde en étant le monde. Je suis l’énergie qui cherche passage , perfore les reflets changeants du monde matériel, je m’anime dans l’épaisseur de l’onde ; je suis celui qui vous regarde et ce lui que vous regardez. Je suis le soleil de votre cœur ! »
Symbolisme et constitution du Monde
Cette sympathie qui s’instaure entre ce qui sourd du Moi profond et l’Univers, médiatisée par le symbole, relève aussi du monde de l’âme et introduit au sacré.
L’initié(e) est appelé(e) à ce mode d’être, à cette exigence, à cet appel-soumission, qui n’a de cesse, d’épiphanie en épiphanies, de rechercher la proximité avec le cosmos.
Il s’agit d’une harmonie pré-établie chargée de virtualités ; mais, en même temps il s’agit aussi de la liberté de l’être humain qui est de ne point consentir à la croyance et de vouloir émanciper les virtualités de leur gangue d’ignorance.
La liberté se définit alors comme une perméabilité à la Lumière, une capacité de vivre le symbole. Le psychanalyste Pierre Solié, auteur de « Le Sacrifice fondateur de civilisation et d’individuation », Editions Albin Michel, évoque « une ouverture d’une conscience à la recherche permanente d’elle-même. »
L’image-symbole fait le monde au lieu de le masquer et comme le dit si bien Bachelard «Soudain une image se met au centre de notre être imaginant. Elle nous retient, elle nous fixe. Elle nous infuse de l’Etre. »
Les paysages « imaginaux » (en rapport avec l’imago de l’insecte) sont l’occasion de nous rattacher à l’univers archétypique pour assumer notre singularité existentielle. Le symbole doit alors se décrypter comme un poème ; il développe son sens au moment où il est interrogé, absorbé, digéré par une conscience troublée. Il ne livre réponse que là où il est questionné, confronté à un sens intérieur qui se cherche. Il est l’occasion donnée à un mouvement de la psyché de se corporaliser, de fixer quelques éléments de sens qui, autrement, n’auraient fait qu’affleurer le conscient sans y trouver la structure sur laquelle cristalliser.
Entre les réalités objectives intérieure et extérieure s’instaure une dialectique ; de ce mouvement rythmique se constitue l’âme et notre vision du cosmos.
L’Art et le symbolisme
Il est frappant de constater que nos contemporains, en même temps qu’ils ont perdu l’accès à l’âme, se tournent comme par compensation vers la production artistique.
L’art symbolique récuse l’idée d’un progrès continu ; par contre, il imagine une progression de la conscience de notre appartenance au monde et dans notre lien avec nos origines.
L’art symbolique se nourrit de notre expérience du destin qui débute toujours à l’instant présent.
Paul Klee formule ainsi cette exigence : « Au sein de la Nature, à la source de la création, là où git, gardée, la clef secrète de toute chose, élus sont ceux qui vont jusqu’aux abords de ce monde secret où la vie originelle nourrit toute évolution. »
Et René Magritte précise « Ce que l’on voit sur un objet est un autre objet caché ! »
Un mot doit être dit de l’esthétique comme science du Beau. Ne pourrait-on pas affirmer que l’esthétique n’est pas liée à une culture donnée : elle est universelle.
Il ne faut pas confondre l’esthétique et la Beauté ; cette Beauté qui est un des flambeaux de la loge est issue de la conjonction des contraires ; beauté qui émeut, qui touche comme un accord parfait, ample, unique et pourtant composite.
Le discours sur l’esthétique picturale s’inscrit dans le relatif ; il résulte d’une ambiance culturelle diffuse, du goût, c'est-à-dire de la mode, par conséquent d’une habitude.
L’esthétique est un code qui ne représente rien en lui-même sinon qu’il renvoie à la sensibilité d’une époque ; une sensibilité exagérée au style particulier d’un peintre cache inéluctablement l’arrière plan, s’il existe !
Lecture de l’œuvre picturale
Le premier contact est sensation brute ; la psyché réagit au choc des couleurs, à la répartition des masses ; cette première approche est de l’ordre de la caresse et du plaisir sensible ; la pâte elle-même ne laisse pas indifférent et l’envie est fréquente de toucher ces rugosités qui accrochent la lumière.
Viens ensuite la reconnaissance du thème ; c’est le moment où apparaissent des connotations avec la mémoire culturelle ; un jugement se forme à tendance sentimentale ou intellectuelle.
Une attention plus soutenue sensibilise au rythme ; des réactions plus profondes apparaissent : adhésion, répulsion, trouble, attirance, etc. C’est le moment indéfinissable où peuvent apparaître des correspondances mystérieuses.
Dans le meilleur des cas, l’œuvre d’art atteint l’être humain par-delà l’éducation, les conditionnements, les distinctions entre positif et négatif.
Est-il prudent d’aller plus loin ? Est-il possible et souhaitable de s’interroger plus avant sur les figures qui s’animent dans un tableau ? Qu’elles soient figures du temps dans son symbolisme végétal, figures de la matrice dans son symbolisme de la Terre-Mère dévoreuse et donneuse de vie, figures de l’esprit dans son symbolisme minéral, figures des soubassements archétypiques dans son symbolisme marin, figures labyrinthiques ou autres …. ?
L’aventure picturale donne en pâture à l’imagination créatrice des éléments ; ceux-ci vont donner des images et l’œuvre naîtra pour participer à l’âme du monde.
Dans notre univers cacophonique où les tensions maltraitent la prima materia originelle, l’aventure picturale est d’abord une ouverture, une suggestion à un autre mystère, celui du sens.
La tyrannie des formes muettes est transformée par une dialectique des éléments de l’œuvre ; cette dialectique est rythme, zone de transition ; et c’est ainsi que la peinture devient un exercice de liberté.
Terminons par cette citation de René Huyghe (1906-1997) qui eut une carrière de conservateur du Musée du Louvre, psychologue et philosophe de l’art, professeur au Collège de France et académicien français :
« L’Art sait tâtonner, pareil à une racine, vers l’humus ténébreux d’où monte la sève quin ne devient féconde qu’après avoir été élaborée ; qu’il se borne à la surface du sol et il pourra, tel un miroir, capter les splendeurs du réel, mais il ne saura résister à en faire la matière docile où projeter l’empreinte des lois de sa pensée ou des mouvements de sa sensibilité. Il peut se transformer encore et devenir comme un chant qui s’élève ; il sait qu’il est musique ; il transforme et transfigure alors toute réalité ; il l’emporte dans un mouvement qui décollant du sol, s’élance vers l’espace d’en-haut ! »
Feu Gérard Bouilly
El arte y el simbolismo
Nota del editor: Gérard B. era un artista pintor y también un hermano de una logia del Gran Oriente de Francia (GODF). Me confió su plancha hace unos años. Incorporó el simbolismo masónico en parte de sus obras. Desafortunadamente, ha pasado al Oriente Eterno.
El arte puede ser considerado como el lugar de una tensión que presenta numerosas analogías e imbricaciones con el simbolismo.
El arte pictórico visto como un lugar privilegiado del imaginario plantea el problema de esta "locura del desván" como la llamó Blaise Pascal, tan criticada por los racionalistas de todas las tendencias y por Platón mismo, quien solo ve en ella un proceso de imitación limitado en tanto que representación torpe, parcial e incompleta de la realidad del mundo "sensible".
Platón desconfía del emprendimiento artístico y de su pretensión de jugar imprudentemente con el poder del símbolo.
Le reprocha estancarse en el nivel más bajo de la percepción del ser y, por lo tanto, ser un engaño aún más peligroso por su ambición. La ilusión, una barrera adicional a la percepción de las ideas, haría que el mundo de las imágenes sea un desvío de la forma ideal en favor de la forma sensible.
Si abordo de entrada este punto de vista platónico es para indicar a dónde nos llevará una reflexión que se esforzará en hacer aparecer la originalidad profunda del símbolo en el Arte.
Sobre la relación entre la imagen y el significado:
Sin duda, debido a la desconfianza hacia lo que toca el imaginario en Occidente, el vocabulario correspondiente es poco claro o incluso devaluado: se habla indistintamente de "imagen", "signo", "símbolo" o "alegoría".
El signo: La primera categoría de signos incluye aquellos que ahorran tiempo y remiten a algo sensible e indiscutible; son, por lo tanto, arbitrarios, variables, y pueden expresarse mediante un número, una letra o un dibujo; así ocurre para indicar instantáneamente que una calle es de sentido único o que el Sr. Martín vive en el número 3.
La alegoría: Se refiere sobre todo a conceptos abstractos; así, la Justicia se representa mediante una alegoría en la que cada uno de sus elementos corresponde a una parte del significado: por ejemplo, un personaje portador de una balanza. La alegoría a menudo se superpone a un pensamiento previo que es la única condición para su sentido.
El símbolo: Podríamos definir el símbolo como el inverso de la alegoría; como escribe Paul Godet en "Sujet symbole dans les arts plastiques" (Tema símbolo en las artes plásticas), "Si la alegoría parte de la idea abstracta para llegar a una figura, el símbolo es primero figura y, como tal, fuente entre otras cosas de ideas". Por su naturaleza, el símbolo es, por lo tanto, una aparición de lo indecible, una epifanía de una parte de la Realidad que escapa a los órganos de la percepción o al entendimiento racional. Gilbert Durand, filósofo y antropólogo del imaginario, precisa: "No pudiendo figurar la infigurable trascendencia, la imagen simbólica es una transfiguración de una representación concreta por un sentido para siempre abstracto". Según Paul Ricoeur, el símbolo adquiere así una triple dimensión: cósmica, ya que es un elemento del mundo que nos rodea; onírica, en la medida en que se arraiga en los sueños, los recuerdos y la gran memoria de la especie; y poética, ya que pertenece al discurso en lo que tiene de más "aumentativo".
Tanto como la imagen-ídolo se cierra sobre sí misma, la imagen-símbolo instaura un sentido y conduce a un más allá de lo sensible.
En su autobiografía, Goethe explica que "En la Naturaleza, viva e inanimada, animada e inanimada, creí reconocer algo que solo se manifestaba por contradicciones y, por lo tanto, no podía ser comprendido en ningún concepto, mucho menos en una palabra. Parecía azaroso, ya que no se manifestaba ninguna consecuencia; parecía cercano a la Providencia; dejaba entrever una relación."
El conocimiento simbólico nunca es definitivo, nunca cerrado, nunca explícito porque no se refiere a un discurso previamente establecido. Es una puerta abierta, reminiscencia, reconducción de lo sensible a las formas. Adquisición de un saber indecible, presentimiento, el símbolo define la libertad del ser humano en su dimensión creativa.
Si el símbolo es esta cabeza buscadora, si está investido de esta capacidad epifánica, puede considerarse como un sistema de virtualidades que tiene su origen en las estructuras arquetípicas del inconsciente y que gradualmente orienta el pensamiento consciente hacia el más allá del mundo sensible, hacia el Oriente Eterno.
El símbolo es, por lo tanto, trans-reflexivo, mediador entre el microcosmos y el macrocosmos, reconciliación con el universo.
Según Bachelard, los símbolos son las "hormonas" de la energía espiritual.
La vida pulsional no se agota en el contacto con el mundo sensible; parece que un excedente busca invertirse. El programa inscrito en los genes reconoce en lo que se ha convenido llamar "la realidad" su propio rostro, sin, sin embargo, satisfacerse completamente de este reflejo que deja imaginar otras profundidades. Este "resto" que busca vivirse ya no es del orden de la medida, resiste a la descripción, crece fuera de las estructuras del yo, ahora percibidas como límites, y encuentra en el símbolo su medio de expresar lo que no puede decirse de otra manera.
Sobre el Delta luminoso
En su centro, el ojo barre el espacio, pero su vida está al otro lado de este muro, más allá hacia el Oriente. Es una mirada que nos contempla y nos murmura:
"Cierra los ojos; entiende que este muro sobre el que me enciendo es el muro de la realidad exterior, la muralla de tu alienación; me abro, por supuesto, pero en ti. Soy el ojo interior; ese espacio que fijo más allá del espacio de tus gestos es el de tu propia noche porque soy quien ve en la noche. Soy la herramienta de la trascendencia y también escucho. Soy la atención y represento el límite de la posesión del mundo, así como el límite del discurso razonable. Soy la mirada del ‘Otro’, ese ‘otro yo’ que te remite a los confines de tu propio ‘Yo’. Soy ese ‘Tú’ que te hace ‘Yo’, ese allá que te funda y te revela. Soy la representación finita de lo infinito, y donde yo veo, tú distinguirás el camino que lleva al ‘J’ perdido, ‘eterno presente de la humanidad’".
"Soy el testigo de la Presencia; quien preside toda nueva iniciación, el gran Activador de la gran Memoria. Soy quien hace ‘ver’ el lecho del río como memoria de los múltiples pasos de sus aguas."
"Veo el alma, sus movimientos, sus contradicciones y la llevo gradualmente a reflexionar el mundo siendo el mundo. Soy la energía que busca un paso, perforo los reflejos cambiantes del mundo material, me animo en la espesura de la onda; soy quien te mira y a quien tú miras. Soy el sol de tu corazón."
Simbolismo y constitución del Mundo
Esta simpatía que se instaura entre lo que surge del Yo profundo y el Universo mediado por el símbolo pertenece también al mundo del alma e introduce al sagrado.
El iniciado está llamado a este modo de ser, a esta exigencia, a este llamado-sumisión que no cesa de epifanía en epifanías de buscar la proximidad con el cosmos.
Se trata de una armonía preestablecida cargada de virtualidades; pero al mismo tiempo se trata también de la libertad del ser humano que no debe consentir la creencia y que desea emancipar las virtualidades de su envoltura de ignorancia.
La libertad se define entonces como una permeabilidad a la Luz, una capacidad de vivir el símbolo. El psicoanalista Pierre Solié, autor de "Le Sacrifice fondateur de civilisation et d’individuation" (El sacrificio fundador de la civilización y la individuación) Editions Albin Michel, evoca "una apertura de una conciencia a la búsqueda permanente de sí misma."
La imagen-símbolo crea el mundo en lugar de ocultarlo, y como bien dice Bachelard, "De repente, una imagen se sitúa en el centro de nuestro ser imaginante. Nos retiene, nos fija. Nos infunde el Ser."
Los paisajes "imaginarios" (en relación con la imago del insecto) son la ocasión para conectarnos con el universo arquetípico para asumir nuestra singularidad existencial. El símbolo debe entonces descifrarse como un poema; desarrolla su sentido en el momento en que es interrogado, absorbido, digerido por una conciencia perturbada. No entrega respuesta sino donde es cuestionado, confrontado a un sentido interior que se busca. Es la ocasión dada a un movimiento de la psique de corporizarse, de fijar algunos elementos de sentido que, de otro modo, solo habrían aflorado en la conciencia sin encontrar la estructura sobre la cual cristalizar.
Entre las realidades objetivas interior y exterior se establece una dialéctica; de este movimiento rítmico se constituye el alma y nuestra visión del cosmos.
El arte y el simbolismo
Es sorprendente observar que nuestros contemporáneos, al mismo tiempo que han perdido el acceso al alma, se vuelven como por compensación hacia la producción artística.
El arte simbólico rechaza la idea de un progreso continuo; por el contrario, imagina una progresión de la conciencia de nuestra pertenencia al mundo y de nuestro vínculo con nuestras raíces. El arte simbólico se nutre de nuestra experiencia del destino, que siempre comienza en el momento presente.
Paul Klee formula así esta exigencia: "Dentro de la Naturaleza, en la fuente de la creación, allí donde yace guardada la clave secreta de todas las cosas, son elegidos aquellos que llegan a los bordes de este mundo secreto donde la vida original alimenta toda evolución."
Y René Magritte precisa: "Lo que se ve en un objeto es otro objeto oculto."
Debe decirse una palabra sobre la estética como ciencia de la Belleza. ¿No podríamos afirmar que la estética no está ligada a una cultura dada: es universal?
No se debe confundir la estética con la Belleza; esta Belleza que es uno de los pilares de la logia surge de la conjunción de los contrarios; belleza que conmueve, que toca como un acorde perfecto, amplio, único y, sin embargo, compuesto.
El discurso sobre la estética pictórica se inscribe en lo relativo; resulta de una atmósfera cultural difusa, del gusto, es decir, de la moda y, por lo tanto, de un hábito.
La estética es un código que no representa nada en sí mismo, sino que remite a la sensibilidad de una época; una sensibilidad exagerada hacia el estilo particular de un pintor inevitablemente oculta el trasfondo si es que existe.
Lectura de la obra pictórica
El primer contacto es una sensación bruta; la psique reacciona al choque de los colores, a la distribución de las masas; este primer acercamiento es del orden de la caricia y del placer sensible; la textura misma no deja indiferente y a menudo se siente el deseo de tocar esas rugosidades que atrapan la luz. Luego viene el reconocimiento del tema; es el momento en que aparecen connotaciones con la memoria cultural; se forma un juicio con tendencia sentimental o intelectual. Una atención más sostenida sensibiliza al ritmo; surgen reacciones más profundas: adhesión, repulsión, confusión, atracción, etc. Es el momento indefinible en el que pueden aparecer correspondencias misteriosas. En el mejor de los casos, la obra de arte alcanza al ser humano más allá de la educación, los condicionamientos, las distinciones entre positivo y negativo. ¿Es prudente ir más allá? ¿Es posible y deseable interrogarse más profundamente sobre las figuras que se animan en un cuadro? ¿Que sean figuras del tiempo en su simbolismo vegetal, figuras de la matriz en su simbolismo de la Madre Tierra devoradora y dadora de vida, figuras del espíritu en su simbolismo mineral, figuras de los fundamentos arquetípicos en su simbolismo marino, figuras laberínticas u otras…?
La aventura pictórica ofrece en banquete a la imaginación creadora elementos; estos darán imágenes y la obra nacerá para participar en el alma del mundo.
En nuestro universo cacofónico donde las tensiones maltratan la prima materia original, la aventura pictórica es ante todo una apertura, una sugerencia a otro misterio, el del sentido.
La tiranía de las formas mudas es transformada por una dialéctica de los elementos de la obra; esta dialéctica es ritmo, zona de transición; y así es como la pintura se convierte en un ejercicio de libertad.
Terminamos con esta cita de René Huyghe (1906-1997), quien tuvo una carrera como conservador del Museo del Louvre, psicólogo y filósofo del arte, profesor en el Collège de France y académico francés:
"El Arte sabe tantear, parecido a una raíz hacia el humus tenebroso de donde surge la savia, que no se vuelve fecunda sino después de haber sido elaborada; si se limita a la superficie del suelo, podrá, como un espejo, captar los esplendores de lo real, pero no sabrá resistir para hacer de ello la materia dócil en la que proyectar la impronta de las leyes de su pensamiento o de los movimientos de su sensibilidad. Puede transformarse aún y convertirse como en un canto que se eleva; sabe que es música; transforma y transfigura entonces toda realidad; la lleva en un movimiento que, despegando del suelo, se lanza hacia el espacio de arriba."
por el difunto Gérard Bouilly
Art and Symbolism
Editor's Note: Gérard B. was a painter and also a brother of a lodge of the Grand Orient of France (GODF). He entrusted me with his board a few years ago. He incorporated Masonic symbolism into some of his works. Unfortunately, he has passed to the Eternal East.
Art can be considered a place of tension that presents numerous analogies and interconnections with symbolism.
Pictorial art, seen as a privileged place of the imagination, raises the problem of this "madness of the attic," as Blaise Pascal called it, so criticized by rationalists of all kinds and by Plato himself, who only sees in it a limited process of imitation as a clumsy, partial, and incomplete representation of the reality of the "sensible" world.
Plato distrusts the artistic enterprise and its pretension to play recklessly with the power of the symbol.
He reproaches it for stagnating at the lowest level of perception of being and, consequently, for being a deception all the more dangerous because of its ambition. The illusion, an additional barrier to the perception of ideas, would make the world of images a diversion from the ideal form in favor of the sensible form.
If I address this Platonic point of view from the outset, it is to indicate where our reflection will lead, which will strive to reveal the profound originality of the symbol in Art.
On the relationship between the image and the meaning:
Undoubtedly, due to the distrust towards what touches the imagination in the West, the corresponding vocabulary is unclear or even devalued: we speak indifferently of "image," "sign," "symbol," or "allegory."
The sign: The first category of signs includes those that save time and refer to something sensible and indisputable; they are, therefore, arbitrary, variable, and can be expressed by a number, a letter, or a drawing; thus, it is to instantly signal that a street is one-way or that Mr. Martin lives at number 3.
The allegory: It mainly refers to abstract concepts; thus, Justice is represented by an allegory in which each of its elements corresponds to a part of the meaning: for example, a character carrying a scale. The allegory is often superimposed on a prior thought, which is the only condition for its meaning.
The symbol: We could define the symbol as the reverse of the allegory; as Paul Godet writes in "Sujet symbole dans les arts plastiques" (Subject symbol in the plastic arts), "If the allegory starts from the abstract idea to arrive at a figure, the symbol is first a figure and, as such, a source among other things of ideas." By its nature, the symbol is, therefore, an appearance of the unspeakable, an epiphany of a part of Reality that escapes the organs of perception or rational understanding. Gilbert Durand, philosopher and anthropologist of the imagination, specifies: "Unable to depict the unfigurable transcendence, the symbolic image is a transfiguration of a concrete representation by an abstract sense forever." According to Paul Ricoeur, the symbol thus acquires a triple dimension: cosmic, since it is an element of the world around us; oneiric, insofar as it is rooted in dreams, memories, and the great memory of the species; and poetic, since it belongs to discourse in its most "augmentative" aspect.
Just as the idol-image closes in on itself, the symbol-image establishes a sense and leads to a beyond of the sensible.
In his autobiography, Goethe explains that "In Nature, living and lifeless, animated and inanimate, I believed I recognized something that only manifested itself through contradictions and therefore could not be understood in any concept, much less in a word. It seemed random, as no consequence was manifested; it seemed close to Providence; it hinted at a relationship."
Symbolic knowledge is never definitive, never closed, never explicit because it does not refer to a previously established discourse. It is an open door, reminiscence, reconnection of the sensible to forms. Acquisition of an unspeakable knowledge, presentiment, the symbol defines the freedom of the human being in its creative dimension.
If the symbol is this seeker head, if it is invested with this epiphanic capacity, it can be considered as a system of virtualities originating in the archetypal structures of the unconscious and gradually orienting conscious thought towards the beyond of the sensible world, towards the Eternal East.
The symbol is, therefore, trans-reflexive, a mediator between the microcosm and the macrocosm, reconciliation with the universe.
According to Bachelard, symbols are the "hormones" of spiritual energy.
Pulsional life is not exhausted in contact with the sensible world; it seems that a surplus seeks to invest itself. The program inscribed in the genes recognizes in what is conventionally called "reality" its own face, without, however, being completely satisfied with this reflection that leaves room for other depths. This "remainder" that seeks to live is no longer of the order of measure, resists description, grows outside the structures of the self, now perceived as limits, and finds in the symbol its means of expressing what cannot be said otherwise.
On the Luminous Delta
In its center, the eye sweeps the space, but its life is on the other side of this wall, further towards the East. It is a gaze that contemplates us and murmurs:
"Close your eyes; understand that this wall on which I light up is the wall of external reality, the wall of your alienation; I open, of course, but within you. I am the inner eye; this space that I fix beyond the space of your gestures is that of your own night because I am the one who sees in the night. I am the tool of transcendence and also I listen. I am attention and represent the limit of possession of the world, as well as the limit of reasonable discourse. I am the gaze of the 'Other,' that 'other self' that refers you to the boundaries of your own 'Self.' I am that 'You' that makes you 'Me,' that elsewhere that founds and reveals you. I am the finite representation of the infinite, and where I see, you will distinguish the path that leads to the lost 'J,' 'eternal present of humanity.'"
"I am the witness of the Presence; the one who presides over every new initiation, the great Activator of the great Memory. I am the one who makes 'see' the riverbed as a memory of the multiple passages of its waters."
"I see the soul, its movements, its contradictions and gradually lead it to reflect the world by being the world. I am the energy that seeks a passage, pierces the changing reflections of the material world, I am animated in the thickness of the wave; I am the one who looks at you and whom you look at. I am the sun of your heart."
Symbolism and the Constitution of the World
This sympathy that is established between what arises from the deep Self and the Universe mediated by the symbol also belongs to the world of the soul and introduces the sacred.
The initiate is called to this mode of being, to this requirement, to this call-submission that ceaselessly from epiphany to epiphany seeks proximity with the cosmos.
It is a pre-established harmony charged with virtualities; but at the same time, it is also the freedom of the human being that must not consent to belief and that desires to emancipate the virtualities from their envelope of ignorance.
Freedom is then defined as a permeability to the Light, a capacity to live the symbol. The psychoanalyst Pierre Solié, author of "Le Sacrifice fondateur de civilisation et d’individuation" (The Founding Sacrifice of Civilization and Individuation) Editions Albin Michel, evokes "an opening of a consciousness in permanent search of itself."
The symbol-image creates the world instead of masking it, and as Bachelard says so well, "Suddenly, an image is placed at the center of our imagining being. It holds us, it fixes us. It infuses us with Being."
The "imaginal" landscapes (in relation to the imago of the insect) are the opportunity to connect us with the archetypal universe to assume our existential singularity. The symbol must then be deciphered like a poem; it develops its meaning at the moment it is questioned, absorbed, digested by a troubled consciousness. It only delivers a response where it is questioned, confronted with an inner meaning that seeks itself. It is the occasion given to a movement of the psyche to corporealize itself, to fix some elements of meaning that otherwise would have only surfaced in the conscious without finding the structure on which to crystallize.
Between the objective realities, interior and exterior, a dialectic is established; from this rhythmic movement, the soul and our vision of the cosmos are constituted.
Art and Symbolism
It is striking to observe that our contemporaries, at the same time that they have lost access to the soul, turn as compensation towards artistic production.
Symbolic art rejects the idea of continuous progress; on the contrary, it imagines a progression of the consciousness of our belonging to the world and of our connection with our origins. Symbolic art is nourished by our experience of destiny, which always begins in the present moment.
Paul Klee formulates this requirement thus: "Within Nature, at the source of creation, where the secret key to all things lies guarded, chosen are those who reach the edges of this secret world where original life nourishes all evolution."
And René Magritte specifies: "What is seen on an object is another hidden object."
A word must be said about aesthetics as the science of Beauty. Could we not affirm that aesthetics is not linked to a given culture: it is universal?
Aesthetics must not be confused with Beauty; this Beauty that is one of the pillars of the lodge arises from the conjunction of opposites; beauty that moves, that touches like a perfect chord, ample, unique, and yet composite.
The discourse on pictorial aesthetics is inscribed in the relative; it results from a diffuse cultural atmosphere, from taste, that is, from fashion, and therefore from a habit.
Aesthetics is a code that represents nothing in itself, but refers to the sensitivity of an era; a sensitivity exaggerated towards the particular style of a painter inevitably hides the background if it exists.
Reading the Pictorial Work
The first contact is a raw sensation; the psyche reacts to the shock of colors, to the distribution of masses; this first approach is of the order of caress and sensible pleasure; the texture itself does not leave one indifferent, and often there is a desire to touch those roughnesses that catch the light. Then comes the recognition of the theme; it is the moment when connotations with cultural memory appear; a judgment is formed with a sentimental or intellectual tendency. A more sustained attention sensitizes to the rhythm; deeper reactions appear: adherence, repulsion, confusion, attraction, etc. It is the indefinable moment when mysterious correspondences can appear. In the best case, the work of art reaches the human being beyond education, conditioning, distinctions between positive and negative. Is it prudent to go further? Is it possible and desirable to delve deeper into the figures that come to life in a painting? Whether they are figures of time in its vegetal symbolism, figures of the matrix in its symbolism of the devouring and life-giving Mother Earth, figures of the spirit in its mineral symbolism, figures of the archetypal foundations in its marine symbolism, labyrinthine figures, or others...?
The pictorial adventure offers the creative imagination elements; these will give images, and the work will be born to participate in the soul of the world.
In our cacophonous universe where tensions mistreat the original prima materia, the pictorial adventure is above all an opening, a suggestion to another mystery, that of meaning.
The tyranny of mute forms is transformed by a dialectic of the elements of the work; this dialectic is rhythm, a zone of transition; and thus painting becomes an exercise in freedom.
We conclude with this quote from René Huyghe (1906-1997), who had a career as curator of the Louvre Museum, psychologist and philosopher of art, professor at the Collège de France, and French academician:
"Art knows how to grope, similar to a root towards the dark humus from which the sap rises, which only becomes fertile after having been elaborated; if it confines itself to the surface of the soil, it may, like a mirror, capture the splendors of reality, but it will not know how to resist making it the docile material on which to project the imprint of the laws of its thought or the movements of its sensitivity. It can transform itself further and become like a song that rises; it knows it is music; it transforms and transfigures all reality; it carries it in a movement that, taking off from the ground, launches towards the space above."
by the late Gérard Bouilly
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